Conditions de déclenchement de la crue de 1910

Entre le 20 et le 28 janvier 1910, Paris a connu une crue d’une hauteur exceptionnelle. Le niveau d’eau à la station de Paris-Austerlitz a atteint 8,62 m soit pratiquement 8 m de plus que le niveau normal (8,42 m à l’échelle du pont de la Tournelle). A l’époque déjà, la crue est qualifiée de centennale.

Elle est aussitôt comparée aux crues précédentes :

  • 1658 : c’est la plus haute crue signalée sur Paris depuis 400 ans : 8,81 m à l’échelle du pont de la Tournelle (rapport Belgrand)
  • 1740 : 7,90 m à l’échelle du pont de la Tournelle (rapport Belgrand)

Cette crue est le résultat direct d’une forte pluviosité sur un sol saturé avec une concomitance parfaite des ondes de crues des bassins amont.

Conditions météorologiques

Le dernier trimestre de l’année 1909 a été très humide :

  • les mois de septembre et octobre ont enregistré des hauteurs de pluie bien au-delà des normales saisonnières (1,5 à 2 fois plus importante) ;
  • en décembre, les deux épisodes pluvieux (28 nov - 9 dec ; 15 dec - 31 dec) sur l’ensemble du bassin de la Seine, n’ont fait qu’entretenir et accélérer la saturation des sols (en moyenne, rapport de 1,5 avec les normales mensuelles).

Déjà, la station de Paris-Austerlitz enregistrait deux maxima de crue ordinaire : 3,10 m le 7 décembre et 3,45 m le 31.
Malgré une première semaine de janvier, stable et sèche, le mois de janvier a été abondamment arrosé.

  • au cours de la deuxième semaine, des pluies qui n’ont rien d’exceptionnelles, sont essentiellement tombées entre le 10 et le 12.
    On note 10 mm de hauteur d’eau à Paris, 20 à 30 mm sur les têtes des bassins amont.
  • “les torrents d’eau tombés du 18 au 21, pendant 4 jours, déterminèrent une crue exceptionnelle et presque subite de l’Yonne, du Loing et du Grand-Morin ” (rapport Picard). On a relevé 120 mm de pluie à Château-Chinon, 94 mm à Montbard et 78 mm à Joigny, ce qui correspond respectivement, à des pluies de temps de retour 20 ans, 100 ans et plus de 150 ans.
  • “en même temps se produisent des crues extraordinaires de la Haute-Seine et de la Marne” (rapport Picard) : 82 mm de hauteur de pluie à Bar-sur-Seine (T=100 ans) et 79 mm à Chaumont (T=50 ans).
  • entre le 23 et le 25 janvier, une nouvelle dépression apparaît : des pluies modérées mais quasi-uniformes ont lieu sur l’ensemble du bassin versant de la Seine. En deux jours, 19 mm sont relevés à Paris, 20 mm à Auxerre, 23 mm à Avallon et 36 mm à Bar-sur-Aube.

Dynamique de la crue

La crue de janvier 1910 est ce que l’on appelle une crue double : elle est générée par deux épisodes de pluie à intervalles rapprochés.

1/ Dès la première série de pluie (du 18 au 21), la Seine et ses affluents amont ont de suite réagi (sols saturés, gelés).

Les vallées rapides de l’Yonne, du Loing et du Grand-Morin font monter en 4 jours la Seine à Paris de plus de 3 mètres.

Cotes à l’échelle du pont d’Austerlitz relevées tous les matins à 8h :

  • 18 janvier 2,75 m (repère avant les pluies)
  • 19 janvier 2,94 m
  • 20 janvier 3,98 m
  • 21 janvier 4,76 m
  • 22 janvier 5,93 m

Pour les bassins de la Petite-Seine et la Marne, la progression des ondes de crues est moins rapide :

  • le maximum de la Seine se retrouve le 24 janvier à Nogent-sur-Seine, le 25 à Bray-sur-Seine et le 26 à Montereau-Fault-Yonne ;
  • quant à la Marne, on le retrouve le 21 à Saint-Dizier,
    le 23 à Damery et le 26 à Meaux.

Les maxima de ces deux ondes de crues sont " attendus " le 28 janvier à Paris-Austerlitz.

2/ Le deuxième épisode pluvieux entraîne une notable reprise de crue sur l’Yonne supérieure, le Loing et le Grand-Morin (vallées rapides) : la décroissance de l’Yonne est instantanément stoppée tandis que le Loing et le Grand-Morin reprennent des niveaux très importants.

Loing à l’échelle de Nemours :

  • 24 janvier 2,22 m
  • 25 janvier 3,18 m à 21 h (maximum)

Grand-Morin à l’échelle de Pommeuse :

  • 23 janvier 1,18 m
  • 24 janvier 1,90 m
  • 25 janvier 2,92 m à 2h (maximum)

Le 26 janvier, le niveau de la Seine à Melun est aggravé par la concomitance de la pointe de la Petite-Seine dû au premier épisode pluvieux avec la seconde pointe du Loing.
A Chalifert sur la Marne, le maximum résulte de la simultanéité de la pointe de la Marne avec la deuxième pointe très marquée du Grand-Morin.

La concomitance de ces deux nouvelles ondes de crues de la Seine et de la Marne produira le maximum de la crue le 28 janvier 1910 à 8,62 m à l’échelle du pont de Paris-Austerlitz à midi.

… et après !!!

Le 29 janvier 1910 , après 12 jours de montée continue, la décrue est amorcée ; il faudra attendre le 16 mars 1910 pour que la Seine retrouve son lit normal (moins de 2,50 m à l’échelle de Paris-Austerlitz) soit après 2 autres épisodes de crues où l’on retrouve des maxima à plus de 5 m à l’échelle de Paris-Austerlitz :

  • du 7 au 17 février 1910 max : 5,46 m
  • du 22 février au 1er mars 1910 max : 5,61 m.

Couts

A l’époque, aucun coût n’a été avancé : les seules estimations chiffrées ont été réalisées pour le département de la Seine (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et s’élèvent à environ 400 millions de francs-or de dommages directs auxquels il faut ajouter 50 millions de francs-or distribués à titre de secours ce qui correspond à environ 1,4 milliards d’Euros 2002 (1910, Paris inondé - Marc Ambroise-Rendu).

L’étude " évaluation des dommages liés aux crues en région Île-de-France " (Grands Lacs de Seine) a évalué, en 1998, à plus de 12 milliards d’Euros les dégâts engendrés par la crue de 1910 dans l’état actuel d’urbanisation du lit majeur de la Seine en région Île-de-France.
Notons qu’une telle crue a, chaque hiver, 1 (mal)chance sur 100 de se reproduire !!!

Quelques photos d’époque

 

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