Adaptation au changement climatique - Modélisation de surstockage en nappe

Contexte

Les récentes études effectuées sur le bassin de la Seine, concernant l’impact du changement climatique (projet RExHySS – Impact du changement climatique sur les Ressources en eau et les Extrêmes Hydrologiques dans les bassins de la Seine et de la Somme – complétées par les résultats du projet « Explore 2070 », initiés par le ministère en charge de l’écologie) ont globalement mis en évidence les perspectives suivantes pour les décennies à venir :

  • une baisse importante et significative des précipitations estivales et à un degré moindre, mais significatif, des précipitations hivernales ;
  • une évapotranspiration potentielle (ETP) qui augmente significativement (+16% en moyenne à l’horizon 2050, +23% à l’horizon 2100) ;
  • une incidence régionale du changement climatique déjà très marquée dès les années 2050 ;
  • des conditions climatiques qui diminuent sensiblement la recharge des formations aquifères (baisse estimée à 20% en milieu de siècle et près de 30% en fin de siècle). Quantitativement, à l’échelle du bassin de la Seine, ce déficit d’alimentation des formations aquifères représente environ le double de ce qui est prélevé en nappe à ce jour sur ce même bassin ;
  • une baisse des niveaux piézométriques de l’ensemble des formations aquifères du bassin et, conséquence directe, une diminution du débit de base des cours d’eau. Ainsi, les débits des rivières seraient en baisse, en moyenne annuelle et en toute saison (basses et hautes eaux), ce qui aurait également des impacts négatifs sur la qualité des cours d’eau.

Ces résultats, relativement alarmants, incitent à étudier la faisabilité de solutions de limitation d’impact du changement climatique à moyen et long termes sur la ressource en eau souterraine, dans le cadre des mesures d’adaptation au changement climatique.

Simulations

A cette fin, un modèle hydrodynamique des formations tertiaires du bassin parisien a été réalisé et utilisé pour réaliser des tests hydrodynamiques préliminaires de surstockage en nappe semi profonde. Une des questions préalables à laquelle ces modélisations doivent répondre est la pertinence de ce type de mesures, compte tenu des fuites s’opérant naturellement, et a fortiori en situation d’injection en nappe, depuis les systèmes aquifères vers les axes de drainages hydrographiques.

Le principe et les principales conclusions de ces modélisations sont résumés très succinctement ci-après, sachant qu’une lecture détaillée des tests de sensibilité aux différents paramètres dimensionnants pourra s’avérer utile grâce à la consultation du document en ligne : .
Il s’agit donc de modéliser aux échelles pluriannuelle et annuelle le surstockage d’eau à la suite d’injection forcée en nappe, et d’évaluer le potentiel de remobilisation des volumes injectés. Les simulations sont faites sous climats présent et futur (milieu et fin de siècle), de façon à tenir compte des modifications à venir des conditions hydrodynamiques, notamment de drainage des nappes par les cours d’eau. Chacune de ces trois situations est représentée par un état stabilisé de référence de l’hydrosystème. Ce dernier est obtenu par la simulation d’une année de recharge moyenne, représentative du scénario climatique considéré, répétée plusieurs fois. Les effets de l’injection et du repompage sont alors évalués par l’écart à cet état de référence sur les débits en rivières et sur la piézométrie.
Les injections simulées s’opèrent en période hivernale, simultanément à des prélèvements dans les cours d’eau proches. On fait ainsi l’hypothèse que l’impact sur les cours d’eau est négligeable durant cette période. Cependant, il est vérifié que le débit prélevé n’excéde pas 90% du débit moyen interannuel (module), conformément à la réglementation en vigueur. Il s’avère que cette condition peut être satisfaite, y compris en scénario climatique « fin de siècle ».
Trois sites ont été sélectionnés, par l’analyse hydrogéologique de secteurs a priori propices du bassin parisien, c’est à dire comprenant des formations relativement profondes et étant le moins possible connectées directement avec les cours d’eau. Il s’agit des secteurs situés au Nord de la Marne aux confins de l’Ile-de-France et de la Picardie, en Brie et en Beauce.
Pour chaque site, il a été déterminé différents scénarios d’injection/pompage afin d’évaluer :
  • la réponse de l’hydrosystème suite à différents régimes d’injection (suivi de la dynamique et de la mobilité du dôme d’injection, évolution du surcroît de débit à l’aval de chaque zone) ;
  • l’ordre de grandeur du volume susceptible de pouvoir être repris, sous différents régimes de pompage.

Le rendement du processus couplé d’injection et pompage, est exprimé notamment, de façon simple, par le ratio entre le volume pompé total (sous condition de retour à la piézométrie moyenne initiale) et le volume injecté sous différents cycles d’injections.

Ce rendement dépend des délais de reprise de l’eau avant retour à la piézométrie moyenne initale (compris, en l’absence de repompage, entre 4 mois pour la zone Nord-Marne à plus de 2 ans pour la Beauce). Il dépend ensuite du débit de repompage (un débit plus important permet d’éviter l’écoulement de l’eau injectée au-delà de la zone de reprise).
Les principaux résultats des simulations peuvent être synthétisés de la façon suivante.
En cas de gestion pluriannuelle, consistant à injecter pendant plusieurs périodes hivernales avant repompage, les rendements seraient les suivants :
  • Sous climat moyen actuel, pour un débit de pompage d’environ 120 m3/h., et un volume total injecté sur 10 ans de 8 430 000 m3, le volume remobilisable est de 2088000 m3 en Beauce (rendement 25 %), de 875 000 m3 en Brie (rendement 10%) et de 437 000 m3 pour le secteur Nord-Marne (rendement 5%).
  • Sous climat moyen futur à mi-siècle et fin de siècle, la baisse globale des niveaux de nappes simulés engendre une baisse de moitié du volume total drainé par les rivières par rapport aux conditions climatiques moyennes actuelles. Elle engendre également des niveaux piézométriques plus élevés des dômes piézométriques des zones d’injection en fin d’injection. Les rendements sont donc plus importants (d’environ 5% dans le cas d’un débit de pompage de 120 m3/h).

En cas de gestion annuelle de la nappe les rendements sont proches de 100 % dans le secteur Beauce, quel que soit le régime climatique de référence.

Conclusions

Sur la base des résultats des simulations réalisées, il est possible d’apporter des éléments de réponse relatifs à la pertinence hydrodynamique du surstockage en nappe et ses différents aspects :

  • Faisabilité hydrodynamique du surstockage : La mise en évidence par les simulations de la forte inertie du dôme piézométrique, en particulier sur le secteur de la Beauce, y rend le processus de stockage en nappe semi-profonde envisageable. Ce point est fondamental. En effet, il était à craindre a priori que le drainage par le réseau hydrographique limite l’efficacité du dispositif, notamment les possibilités de reprise de l’eau injectée.
  • Utilisation de l’eau injectée comme source d’appoint : L’ordre de grandeur du volume potentiel de reprise est conditionné à la fois, bien sûr, par le volume total injecté, mais surtout par les conditions d’injection. Dans le cas de la Beauce, et sous les conditions de simulations imposées, l’ordre de grandeur du volume total remobilisable est très significatif.
  • Mode de gestion annuel ou pluriannuel : Le choix du mode de gestion de la nappe est déterminant quant au rendement du dispositif. Ce choix dépendra du type d’utilisation et du type de risque de pénurie envisagé (par exemple, pompage très intense en cas de scénario de crise, source d’appoint utilisable en période estivale sur plusieurs années, etc.). La gestion annuelle favorise un rendement très élevé, mais un volume potentiellement remobilisable plus faible. A l’inverse, l’approche pluriannuelle permet la reprise d’un volume beaucoup plus important. En ce qui concerne l’optimisation du dispositif, l’analyse des simulations permet de mettre en évidence qu’une gestion bi-annuelle est optimale. L’injection sur deux ans puis la reprise par pompage permet en effet d’optimiser deux paramètres : rendement supérieur à 50 %, et obtention d’un volume de reprise significatif.
  • Les limites actuelles de la modélisation sont en fait liées au calage précis de l’hydrodynamisme des formations, compte tenu de la quasi-absence de piézomètres de suivi des horizons d’injection modélisé (cuisien essentiellement). La mise en place d’ouvrages piézométriques pour les nappes profondes serait donc très utile. Ces limites n’entachent toutefois pas les conclusions de la présente étude puisque tous les résultats sont établis relativement à une situation de référence.

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