Création de la réserve naturelle nationale des Etangs et rigoles d’Yveline

310 hectares, huit plans d’eau, une poignée d’aqueducs voulus et construits sous le règne du Roi soleil, des zones humides peuplées d’espèces rares voire en danger … la nouvelle réserve naturelle nationale des Etangs et rigoles d’Yveline, dans les Yvelines mêle dimension historique unique et intérêt écologique majeur. Le réseau hydraulique initié au 17éme a en effet permis le développement des milieux écologiques remarquables typiques des zones humides.

Le décret paru le 8 avril dernier, crée donc une nouvelle réserve naturelle nationale en Ile-de-France. Elle s’étend sur 310 hectares : 87 ha venant de l’intégration de la réserve naturelle nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines créée en 1986 et 223 ha nouvellement protégés de milieux aquatiques et de zones humides.

Ce classement en réserve naturelle est l’aboutissement de 5 ans de travail conjoint du Syndicat Mixte d’Aménagement et de Gestion des Etangs et Rigoles (SMAGER) et du Service nature et paysages de la DRIEAT afin de piloter les études scientifiques, conduire les concertations locales puis la procédure de classement sous l’autorité du ministère de la transition écologique. Il s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale des aires protégées.

Le classement de ce site connu de longue dates des ornithologues amateurs était attendu depuis plus de 50 ans par les amoureux de la nature et les naturalistes locaux.

Une dimension historique majeure

Louis XIV –le Roi Soleil – a eu l’ambition de réaliser à Versailles, « le plus beau palais du monde », magnifié par ses jardins et ses jeux d’eau qui étaient le prolongement de l’ordonnancement et de la puissance royale.

Le système hydraulique dit « réseau supérieur », créé de 1675 à 1685, avait pour vocation de collecter l’eau sur les plateaux de Trappes et de Rambouillet pour alimenter les fontaines supérieures du parc du château. A l’époque, le Grand Lit de Rivière, long de 34 km, assurait la liaison entre l’étang de la Tour et Versailles en passant par l’étang de Trappes (actuel étang de Saint-Quentin). Aujourd’hui la liaison vers Versailles n’existe plus. Le Grand Lit de Rivière, désormais long de 22km, s’arrête à l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines.

En plus de sa dimension historique, ce réseau présente aujourd’hui un fort intérêt écologique comme le prouvent les milieux écologiques remarquables typiques des zones humides qui s’y sont développés.

Huit communes, des étangs, des aqueducs

Les sites classés en réserve naturelles sont :

  • l’étang de Saint Quentin en Yvelines (partie déjà en réserve naturelle nationale)
  • l’étang des Noës
  • l’étang de Saint Hubert,
  • l’étang du Pourras,
  • l’étang de Corbet,
  • le petit étang de Hollande,
  • l’aqueduc des Bréviaires,
  • l’aqueduc de l’Artoire
  • l’aqueduc de la Verrière,
  • le petit aqueduc du Perray,
  • l’étang du Perray (rive sud),
  • le grand aqueduc du Perray,
  • le grand lit de Rivière,
  • le nord de l’étang de la Tour.

La réserve concerne le territoire de 8 communes :

  • Auffargis ;
  • La Verrière ;
  • Le Mesnil-Saint-Denis ;
  • Le Perray-en-Yvelines ;
  • Les Bréviaires ;
  • Les Essarts-le-Roi ;
  • Trappes :
  • Vieille-Eglise-en-Yvelines.

Intérêt écologique de la réserve naturelle

L’intérêt écologique des espèces et des milieux naturels du périmètre d’étude a été démontré par les écologues, du XXème siècle jusqu’à aujourd’hui. La réserve naturelle nationale des étangs et rigoles du Roi Soleil est majoritairement composée de zones humides : ce sont des espaces à forts enjeux écologiques, économiques et sociaux de par leur richesse en habitats naturels et en espèces, leur rôle d’infrastructure naturelle, par les activités qu’ils accueillent et le cadre de vie de qualité qu’ils offrent.
En outre, elles ont un pouvoir d’épuration important en filtrant les pollutions. Elles réduisent l’érosion, contribuent au renouvellement des nappes phréatiques, stockent naturellement le carbone, atténuent les crues et les conséquences des sécheresses.

La réserve nationale abrite une mosaïque d’habitats naturels remarquables :

  • végétations des milieux aquatiques des plans d’eau et des noues,
  • végétations des rives souvent très riches en espèces patrimoniales telles que l’Elatine à six étamines (Elatine hexandra) ou la Boulette d’eau (Pilularia globulifera) ;
  • formations prairiales à hautes herbes et prairies humides ;
  • boisements frais et humides , etc…

Tous ces grands types de milieux constituent des corridors écologiques majeurs tant pour la flore que pour la faune et constituent pour la faune des habitats d’alimentation, de reproduction et parfois de développement ou de zones de refuges. Ces végétations, rares et sensibles doivent être protégées d’une dynamique naturelle de fermeture des milieux par l’envahissement des saules ou de la détérioration de la qualité de l’eau grâce à la mise en place d’une gestion appropriée matérialisée dans le plan de gestion.

Une flore spécifique des zones humides

Environ un tiers des espèces de plantes actuellement présentes en Île-de-France se trouvent sur le périmètre de la nouvelle réserve. Parmi ces espèces, 43 sont des espèces dites « patrimoniales » donc 4 espèces sont protégées sur le plan national. Ces espèces sont inféodées aux milieux ouverts. Une gestion appropriée de ces milieux pour les maintenir ouverts leur sera favorable. Elle s’accompagnera, sans doute, d’une augmentation de la biodiversité et de l’enrichissement des habitats liés aux milieux ouverts.

Une faune étroitement liée au réseau d’étangs et rigoles

Insectes, oiseaux, chauves-souris, amphibiens et poissons sont les principaux groupes identifiés.
Chez les insectes, un réseau est particulièrement intéressant pour les libellules. Parmi les 59 espèces de libellules franciliennes, 41 ont été inventoriées sur le site de la réserve. Cela témoigne de la grande richesse biologique de cet ensemble de plans d’eau. La diversité des milieux offerts par les étangs (eaux libre, végétations flottantes …) sont autant d’habitats favorables à leur développement.

Concernant les ocléoptères (scarabées et coccinelles), les espèces remarquables sont nombreuses. Toutefois, elles ont en connu un fort déclin car 25 espèces (32%) n’ont pas été signalées après 1950 et ont vraisemblablement disparu des étangs.

Présence du blongios : un oiseau en danger

Les oiseaux sont bien représentés. Sur les 335 espèces d’oiseaux franciliennes, 260 sont observables sur le site du projet de réserve.

Blongios nain est une espèce en danger en Ile-de-France mais présente dans la réserve
Blongios nain est une espèce en danger en Ile-de-France mais présente dans la réserve | © F. Coquard

Parmi les espèces remarquables observables, on peut citer le Blongios nain (Ixobrychus minutus). En France, les effectifs du Blongios nain ont chuté de près de 90% en trente ans. Cette espèce est considérée comme en danger sur la liste rouge d’Île-de-France et menacée au niveau national notamment en raison de la régression et de la dégradation des zones humides. La réserve assurera une protection supplémentaire pour cette espèce.

Autre espèce forestière remarquable, le Pic mar (Dendropicos medius) est présent sur le réseau amont et témoigne de la richesse et de la diversité du milieu forestier. Les boisements du réseau amont se caractérisent par une forte présence de bois mort (sur pied et au sol) et sont en continuité avec le massif forestier de Rambouillet.
Enfin, de nombreuses espèces d’oiseaux d’eau pourront profiter de la réserve comme la Bécassine des marais (Gallinago gallinago) ou le Grèbe à cou noir (Podiceps nigricolis).

Des aqueducs propices à l’hibernation des chauves souris

Bien que non liée à la présence d’eau en elle-même, une des particularités du projet de réserve se situe à l’intérieur des aqueducs propices à l’hibernation des chauves-souris, en raison des conditions microclimatiques particulières et des nombreuses microcavités favorables au stationnement hivernal des individus. Sur le périmètre de la réserve, 11 espèces de chauves-souris hibernantes sont observables sur les 21 espèces recensées en Île-de-France.
A l’échelle régionale, ce réseau de gîtes souterrains se révèle d’une grande importance pour les Murins de Daubenton et de Natterer puisqu’il accueille près de la moitié des effectifs hibernants régionaux dénombrés lors des comptages du groupe chiroptères en Ile-de-France (situation 2016).

Quand l’histoire rejoint la biodiversité.

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