Planifier l’aménagement d’un territoire pour le rendre plus résilient aux crues et aux fortes pluies
La politique d’aménagement des territoires, élément clé de leur résilience face aux risques d’inondation, est avant tout une compétence des collectivités locales.
Des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI), couvrant les principaux cours d’eau d’Ile de France, ont été élaborés par l’Etat et réglementent les possibilités de construction ou d’aménagements dans les secteurs exposés au risque. Ces plans ne prennent généralement en compte que l’aléa inondation par débordement.
Afin de dépasser les limites des PPRI, la stratégie inondation francilienne, conformément aux dispositions du plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) du Bassin Seine-Normandie, incite les collectivités locales à une prise en compte ambitieuse dans leurs documents d’urbanisme (SCoT et PLU(i)) des risques d’inondation liés au débordement des cours d’eau et au ruissellement des eaux pluviales.
Dans cette optique, la DRIEAT a expertisé les PLUi en vigueur au 1er octobre 2023 afin de relever les points positifs et les axes d’amélioration pouvant être mobilisés pour les PLUi dont l’élaboration ou la révision sont prochainement envisagées (indicateur orientation stratégique 4.3 de la SLGRI francilienne).
Les PLUi étudiés sont ceux des établissements publics territoriaux (EPT) d’Est Ensemble et de Plaine Commune, situés en Seine-Saint-Denis, et de la communauté urbaine de Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) située dans les Yvelines.
Plaine Commune et Grand Paris Seine et Oise sont confrontés aux 3 aléas d’inondation présents en Ile-de-France (débordement, ruissellement et remontées de nappes), alors qu’Est Ensemble n’est sujet qu’aux aléas ruissellement et remontées de nappes.
Par ailleurs, le SCoT de la Métropole du Grand Paris incite désormais les PLUi à se saisir de ces sujets ; il comporte, à cette fin, des éléments de diagnostic et des prescriptions utiles.
Quels enseignements tirer des PLUi étudiés ?
Un risque d’inondation par débordement globalement traité à la hauteur des enjeux
Les diagnostics relatifs à cet aléa sont assez complets. Ils exposent des informations claires sur les principaux épisodes de crue, leur intensité, les hauteurs d’eau et les plus hautes eaux connues. Les conséquences de ces événements sont également globalement bien étudiées, notamment l’impact prévisible d’une crue sur les logements, sur les installations classées ou polluantes, sur l’environnement et la nature ainsi que sur les infrastructures et réseaux de transport, d’énergies et d’assainissement. Toutefois, les zones d’inondations potentielles (ZIP), reprises sur les cartes du SDRIF, gagneraient à être systématiquement prises en compte afin de se projeter sur des scénarios de crue supérieure (de 115 % par exemple du débit de la crue centennale), en particulier dans un contexte d’adaptation au changement climatique.
Face à ces diagnostics, les PLUi analysés déterminent des règles adaptées.
Zones d’expansion de crues : Celles identifiés par les PPRI sont classées en zone N lorsque c’est possible, limitant voire interdisant leur constructibilité.
Bonne pratique
Le PLUi de GPSEO inscrit dans ses orientations d’aménagement et de programmation (OAP) de secteur communales la valorisation des espaces rendus inconstructibles et la nécessaire prise en compte de l’expansion des crues dans les secteurs inondables et non couverts par un PPRI.
Prise en compte des risques naturels, nuisances et pollutions
Risque inondation
Dans le cas des secteurs couverts par un PPRI ou arrêté valant PPRI, au-delà des prescriptions du PPRI qui se traduisent dans le règlement, en fonction du contexte des différents projets, il est demandé de valoriser les espaces inconstructibles par des aménagements résilients (culture inondable, aménagement de découverte du paysage et de la biodiversité…).
Dans le cas de zones inondables définies par l’AZI et le TRI mais non couvertes par le périmètre de PPRI, il faudra à minima réaliser les aménagements au niveau du terrain naturel de préférence et de ne pas porter atteinte aux conditions d’écoulement et d’expansion des crues.
Adaptation du bâti en zone inondable : Lorsqu’un PPRI est applicable, le PLUi se contente généralement de renvoyer au PPRI, sans reprendre ses règles dans ses propres documents. Or, ces règles mériteraient de l’être afin de ne pas laisser prospérer des projets qui ne pourraient être autorisés au titre du PPRI.
Par ailleurs, des majorations de hauteurs peuvent être prescrites. C’est le cas du PLUi de Plaine Commune, pour tenir compte des contraintes imposées par le PPRI. Le PLUi de GPSEO, lui, définit des règles spécifiques pour les abords des cours d’eau non couverts par un PPRI, principalement à travers des marges de retrait inconstructibles de part et d’autre des berges.
Dans ces 2 PLUi, les orientations d’aménagement et de programmation (OAP), qui permettent une approche par le biais d’orientations, sans contraindre les moyens pour y parvenir, traitent du risque inondation, mais pourraient davantage mettre en avant les principes d’aménagement résilients adaptés au risque de crue local, en reprenant par exemple la charte des quartiers résilients.
Un risque de ruissellement de plus en plus prégnant mais partiellement pris en compte
Les diagnostics des PLUi étudiés sont perfectibles : ils se contentent de recenser les arrêtés de catastrophes naturelles sans identifier les axes d’écoulement, les zones d’accumulation, les éléments de paysage contribuant à limiter le phénomène de ruissellement ou encore les facteurs aggravants, pourtant primordiaux pour la mise en place de règles adaptées. Pour autant, les projets de territoires transcrits dans les projets d’aménagement et de développement durables (PADD) intègrent bien cet aléa, au prisme de leur stratégie d’adaptation au changement climatique ou de préservation et de renforcement de la nature en ville.
Infiltration des eaux pluviales à la parcelle, perméabilité des sols et pleine terre : Un des leviers de la prévention du ruissellement est basé sur la gestion des eaux pluviales à la parcelle, au plus proche de là où elles tombent. Les zonages pluviaux, qui déterminent et territorialisent les objectifs d’infiltration des eaux pluviales, ne sont pas systématiques. Lorsqu’ils existent, ils ne sont pas toujours transcrits sous forme quantitative dans le règlement. La DRIEAT a publié une fiche repère sur l’articulation du zonage pluvial avec le PLU(i).
Bonne pratique
Plaine Commune a intégré son zonage pluvial comme une pièce de son règlement graphique, en y rappelant les prescriptions associées
La perméabilité des sols est recherchée dans chacun des 3 PLUi étudiés. Certains mobilisent l’article L.151-23 du code de l’urbanisme pour protéger des secteurs à enjeux.
Bonne pratique
Le PLUI d’Est Ensemble protège « les espaces paysagers participant à la gestion de l’eau de pluie » identifiés dans son règlement graphique.
Par ailleurs, les PLUi analysés demandent de manière générale que les espaces libres privilégient des matériaux poreux, notamment des pavés et des graviers pour leur traitement, comme par exemple pour les parkings. Ils fixent des exigences de pleine terre, sans toutefois expliquer les critères retenus pour déterminer les cibles visées, par exemple le constat de dysfonctionnements hydrauliques fréquents, ni présenter un diagnostic initial qui permettrait d’identifier si l’objectif fixé permet de maintenir, augmenter ou réduire la pleine terre existante.
Zones humides : Elles sont identifiées par les documents graphiques des 3 PLUi analysés, et protégées dans leur règlement, soit par un classement en zone N avec des restrictions de constructibilité, soit par une délimitation au titre de l’article L. 151-23 du code de l’urbanisme.
Toutefois, les zones humides avérées ne sont pas toujours protégées de manière homogène par ces règlements et des règles trop permissives leur sont appliquées dans certains cas. Par exemple, certaines zones humides avérées sont situées en zone A sans faire l’objet de règles de protection dédiées, ce qui ne garantit pas la préservation de leur caractère humide. Par ailleurs, si les PLUi de GPSEO et de Plaine Commune prévoient dans leurs OAP des dispositions pour restaurer des zones humides, ces dernières ne sont pas identifiées cartographiquement. Le PLUi de GPSEO fixe en outre l’exigence d’une étude de délimitation de zones humides pour les projets situés dansles secteurs à forte probabilité de présence de zones humides. Même si cette exigence est louable, c’est au PLUi de procéder aux inventaires préalables dans les secteurs à enjeux, afin d’édicter les règles de protection adaptées qui garantiront la pérennité et le bon fonctionnement des zones humides sur le secteur. La fiche « Les zones humides et leur prise en compte dans les PLU(i) » publiée par la DRIEAT rappelle ces grands principes.
Perméabilité des clôtures : Les clôtures fermées et imperméables peuvent constituer des obstacles susceptibles de faire barrage à l’écoulement des eaux, augmentant ainsi la hauteur d’eau en amont pouvant ensuite engendrer des dommages en cas de rupture de ce barrage artificiel. Dans les sections des règlements dédiées aux abords des constructions, les 3 PLUi analysés prescrivent de manière pertinente la porosité et l’ajourage des clôtures, favorisant ainsi l’écoulement naturel des eaux pluviales et leur circulation, et permettant ainsi de limiter les conséquences des épisodes de pluies. Ces dispositions sont à combiner avec des mesures de désimperméabilisation des sols judicieusement localisées et dimensionnées afin de favoriser l’infiltration des eaux au plus près de là où elles tombent, pour les pluies courantes comme pour les pluies exceptionnelles.
Éléments de paysage permettant de ralentir les écoulements : En milieu rural, les éléments de paysages protégés permettent de ralentir le ruissellement et notamment l’érosion des sols. Ainsi, le PLUi de GPSEO prévoit une protection des haies et des alignements d’arbres.
Un risque par remontées de nappes identifié, mais insuffisamment pris en compte dans les règles du PLUi
Bien que l’aléa remontées de nappe soit identifié dans les diagnostics des PLUi étudiés, sa prise en compte dans les règlements pourrait être améliorée (la connaissance régionale sur cet aléa étant également à affiner).
Lorsqu’elles sont édictées, les règles portent avant tout sur l’interdiction ou l’autorisation sous condition des sous-sols, sur des interdictions d’affectation des sous-sols (interdiction d’entreposer des matériaux polluants et dangereux) ou indiquent que les projets doivent prévoir des dispositions pour anticiper les remontées de nappes. Si les mesures relatives aux sous-sols sont par nature efficaces, leur application est contrariée par le manque de précision des données de localisation : celles-ci se résument généralement à une carte peu précise du rapport de présentation et non à un zonage d’aléa à valeur réglementaire.
Et que prévoit le SCoT métropolitain ?
Un SCoT facilitateur qui traite de la vulnérabilité aux inondations
La métropole du Grand Paris (MGP) a adopté son SCoT le 13 juillet 2023 et identifie le risque inondation comme un des principaux enjeux du territoire. Le SCoT comprend un diagnostic de vulnérabilité aux inondations, principalement consacré à l’aléa débordement, qui a vocation à être décliné dans les PLUi des différents EPT. Le SCoT comprend également des prescriptions à traduire dans les PLUi en vue de limiter l’exposition aux risques d’inondation : par l’adaptation du bâti en zone inondable, la préservation et la reconquête des zones d’expansion de crue et des zones humides, le renforcement de la végétalisation de pleine terre et la gestion des eaux pluviales à la source. Ces éléments de diagnostic et ces dispositions définissent un socle à partir duquel chaque PLUi peut affiner sa connaissance du risque et identifier les règles précises locales qui permettront de gérer sa vulnérabilité au risque et réduire l’exposition des populations et des activités. Le SCoT devrait ainsi faciliter la prise en compte du risque inondation dans les PLUi en cours d’élaboration ou en révision sur le territoire métropolitain.
Les PLUi de Plaine Commune et d’Est ensemble sont antérieurs au SCoT métropolitain. Plaine Commune a toutefois utilisé les données du projet de SCoT dans son diagnostic, notamment les données relatives aux crues de la Seine du diagnostic de vulnérabilité aux inondations.
Par ailleurs, afin d’améliorer la gestion des débordements et la protection des zones vulnérables, la Métropole du Grand Paris, dans le cadre du Programme d’Actions de Prévention des Inondations, accompagne techniquement et financièrement les collectivités qui engagent des études de vulnérabilité à l’échelle du quartier.
Pour plus de détails, la rencontre du réseau Planif territoires Ile-de-France du 01/12/2023 était dédiée à la prise en compte des risques naturels dans l’aménagement ; la newsletter de février 2024 propose plusieurs documents utiles.
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